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ANAK Ranch, Au travail!


Comment vais-je pouvoir vous parler de notre expérience à l’Anak Ranch ? Comment retranscrire, expliquer, mettre des mots… ? La tâche ne s’annonce pas simple car ces dix jours ont été remplis… Remplis de travail, de courbatures, de fatigue, de rires, d’apprentissages, remplis de pas assez de douches et de trop de mouches, de confiture de courgette au petit déjeuné et d’intestin au diner, de beaucoup de ‘puppies’ et de trop de puces, remplis aussi de solitude dans la steppe en gardant les moutons, de retour dans le passé (surtout pour cuisiner), de litres de thé, de veaux affamés au petit matin, de petits yeux fatigués, de souches de bois coupées, de bottes de foin bien tassées, remplis d’ampoules aux mains, de froid, de vodka et de chants mongols…

En y repensant, je ne sais plus si j’aimerai y être en ce moment ou si je suis contente d’en être partie, en tout cas une chose est sure c’est que cette expérience aura été très riche en enseignements et nous aura notamment rappelé que l’on a un corps capable d’endurer l’effort, le froid et la fatigue… Bref nous avons survécu à l’Anak Ranch et en sommes sortis plus fort !

L’Anak Ranch se trouve dans le village d’Orhon situé le long de la rivière du même nom, au Nord de la Mongolie non loin de la frontière sibérienne. Il est tenu par un couple : Martin, un Allemand de 64 ans, homme assez particulier qu’il est vital d’apprendre à ne pas prendre au sérieux, et son épouse Minjee, une Mongole de 36 ans et la femme la plus forte qu’il m’ait été donné de connaitre (elle sait TOUT faire !). Il y a aussi Dash, ami de la famille qui a le rôle de « horse man » et s’occupe principalement des chevaux. Le ranch compte à peu près 150 chevaux, une centaine de vaches laitières et de veaux, deux taureaux, une cinquantaine de chèvres et moutons, deux chiens, dix chiots, deux chats et quelques milliers de puces !

Nous sommes arrivés à la fin de la confection des réserves pour l’hiver (il vaut mieux être prêt à affronter -50° sous la neige quand on risque de se geler les poumons d’une grande respiration !). Nos principales activités sur le ranch ont donc été de : couper l’herbe, la faire sécher et fabriquer des bottes de paille pour nourrir les animaux ; faire des réserves de bouse séchées et de bois coupés pour le feu, marquer les chevaux, ranger et faire du tri dans les bâtiments pour que tout soit prêt pour affronter cette rude période de l’année et bien sur emmener paitre les chèvres et moutons… Mais revenons justement sur ces quelques jours…

Nous sommes arrivés d’Oulan-Bator le samedi 10 octobre par le train de 18h45. Lorsque nous sommes sortis de la minuscule gare d’Orhon, à la tombée de la nuit, nous avons regardé autour de nous, mais personne ne nous faisait signe… Tom allume alors une cigarette, je sors mon petit carnet contenant le numéro de Minjee… et là nous nous retournons au bruit d’un sifflement… C’était Martin qui nous regardait sans rien dire depuis le début ! Nous nous dirigeons vers lui et sa camionnette, il nous dit à peine bonjour et nous fait signe de grimper à l’arrière du pick up… Charmante entrée en matière… Une fois arrivés au ranch, Minjee nous montre notre chambre, que nous partagerons avec un couple de Malaisiens très sympas. Ils nous brieff un peu sur la vie au ranch « si vous êtes prêts à travailler dur, tout ira bien ! », nous annoncent-ils !

C’est au diner que nous rencontrons vraiment tout le monde : Diana l’Allemande, Jay le Sud Coréen, Omar l’Afghan, Tack et Yenni les Malaisiens, Dash le « horse man », Martin et Minjee. L’atmosphère du diner est très particulière, je dirai même pesante… Martin semble vouloir nous mettre mal à l’aise en nous jetant des « je vous donne deux jours avant d’invoquer un prétexte pour retourner à Ulan Bator », « vous n’y arriverez pas ! » Bref au début nous prenons un peu mal cette manière assez inhospitalière de souhaiter la bienvenue aux deux nouveaux arrivants, mais au fil des jours nous apprendrons à mieux connaitre le personnage, pour le moins particulier qu’est Martin, et nous nous y attacherons même !

Histoire de se mettre directement dans le bain, le soir même je vais dormir dans la « yourte d’été » avec Minjee et Omar, en laissant mon Thomas au ranch... Il s’agit d’une yourte à une dizaine de kilomètres du village, près de l’enclos des veaux et des pâturages des vaches, qui permet d’être directement sur place pour la traite du matin… Nous nous endormons donc sous « quelques couvertures » par -5° et nous réveillons à 5h30, avant le levé du soleil pour réveiller les vaches et les amener près de l’enclos de leurs petits. Là notre travail consiste à faire sortir les veaux un par un, qu’ils trouvent leurs mères (sans les perdre de vue !), les laisser téter un peu sur chaque pis le temps que le lait vienne. Ensuite, il s’agit de positionner une corde autour du cou et les tirer à la fois par l’oreille et la corde pour les attacher à un arbre afin que Minjee puisse traire la mère… Ca à peut être l’aire simple comme ça, mais n’oubliez pas qu’un veau c’est loin d’être léger ! Et puis alors un veau qui a faim et à qui on enlève le lait de la bouche, autant dire que ça n’y met pas du sien !

Nous rentrons ensuite au ranch vers 8h30-9h où les autres volontaires ont préparés le petit déjeuné. Tous les repas feront partis des grands plaisirs sur le ranch, toujours très bons et très copieux, ce qui est très appréciable après un travail souvent physique et en extérieur. Ensuite Tom part à cheval emmener brouter les moutons et les chèvres dans la steppe, sympa pour un premier jour de travail à la mongole… Pendant ce temps avec les Malaisiens, nous partons armés de nos fourches, faire des bottes de foin dans les champs entre la rivière et la ligne de chemin de fer du trans-mongolien. Après une longue journée de travail pour tout le monde, quelques ampoules et même quelques muscles en plus, nous nous retrouvons au ranch pour le diner. Deux nouveaux volontaires sont arrivés pour cinq jours : Jen l’Américaine et Nessim le Libanais.

Les jours se suivent sans se ressembler, nous ne travaillons pas souvent ensemble avec Tom. Pendant qu’il travaille par exemple à ramener de la nourriture pour les animaux, du champ jusqu’au ranch, j’aide Minjee à faire le fromage, laver les pots de lait, les marmites et les seaux, bien sur sans eau courante. J’ai pu également faire l’expérience de devoir faire à manger pour 12 personnes avec à disposition rien de plus qu’une grosse marmite sur un four, pour le moins old school, au feu de bois. Faire le feu, puis le gérer, rajouter des bûches au bon moment, le garder assez puissant pour faire bouillir plusieurs litres d’eau pour les pâtes, mais pas trop pour ne pas faire brûler les légumes ne s’avère pas être une tâche aisée… et pour le moins stressante quand on fait attendre 11 travailleurs affamés !

Nous avons également la chance de participer au marquage des chevaux qui signe la fin de l’automne et le début de l’hiver. Apres qu’un cheval soit attrapé au lasso, il est maitrisé puis mis à terre par trois ou quatre personnes avant d’être marqué au fer rouge par le sceau du ranch. Après le marquage, prend place la fête traditionnelle de la fin de la préparation pour l’hiver, un genre de thanksgiving. Martin ouvre quelques bouteilles de vodka à la fin du repas, suivi par Minjee qui arrive avec la vodka mongole (préparation maison faite à base de lait de vache fermentée) au goût de vieille chaussette fromagée… Et là ce n’est pas un petit verre que l’on DOIT boire mais un bol entier ! et pas possible de refuser ou les doses seront doublées ! Chacun doit chanter avant d’avaler son bol de vodka, nous avons donc le plaisir d’entendre chacun, souvent dans sa langue, entonner quelques mélodies. Les chants mongols entamés par Minjee et son père seront pour nous les plus poignants. Un très chouette moment partagé, et quel plaisir de ne pas travailler l’après-midi !

Il m’a aussi incombé le rôle de bergère d’un jour… Ca à tout d’abord été un sentiment merveilleux d’être seule au milieu de ces étendues sauvage, à califourchon sur mon cheval à garder le troupeau, un sacré sentiment de liberté ! Puis, un fil des heures le vent s’est levé, de plus en plus fort et de plus en plus glacé … Je suis rentrée vers 18h, frigorifié et contente de pouvoir m’abriter au chaud un bon thé à la main ! S’est alors envolé le désir utopique d’avoir des chèvres et de faire du fromage dans quelques montagnes de France ou de Navarre… trop de travail, de difficultés, de sacrifices ! Laissez-moi mon chauffage et mon eau courante !

Après l’effort, le réconfort… Enfin, après sept jours de travail Nous avons droit à notre jour de « congé » ! Enfin j’ai quand même du me lever à 6h pour la traite des vaches, mais après 9h c’est temps liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiibre !!! Le matin nous avons été nous promener « en ville » et après le déjeuné nous avons enfourchés nos chevaux et sommes allés galoper dans les grands espaces juste tout les deux… Quel bonheur !

Il y a eu, après quelque jours, l’attendu « retour à UB » ! Bon, dans le train nous avons beaucoup compatis pour nos voisins de compartiment… et oui, 10 jours sans douche ça se re-sent ! Et puis l’auberge… la douche… le démêlage de cheveux… et l’inestimable sentiment d’être propre !

C’est par cette merveilleuse expérience au ranch que se finit notre Mongolie… Que le temps est passé vite au pays mythique des nomades et des yourtes… Nous garderons en mémoire les paysages toujours changeants, les décors incroyables du Gobi, les chevaux sauvages, les nuits remplies d’étoiles, le sourire et la gentillesse des mongols… Nous nous souviendrons aussi que nous n’aurons pas pu prendre beaucoup de douche, que nous n’aurons pas non plus changé souvent d’habits, mais qu’est ce que nous nous serons sentis vivant !

C’est le cœur gonflé que nous filons à présent vers la Chine… L’aventure continue !


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